ION BARBU
DU TEMPS, CONCLU…
Du temps, conclu, le mystère de cette crête tranquille, mais leste
Pénétrant, par la glace, dans un délivré azur,
Confectionnant de la noyade des troupeaux agrestes,
Dans le pullulement de l’eau, un jeu second, plus pur.
Nadir latent ! Le poète assume cette élévation
De l’ensemble des harpes disséminées en vol inverse,
Ensuite s’épuise en chants secrets, dans une marine vision –
Tout comme les méduses que, sous de vertes cloches, la mer berce.
LE TIMBRE
Flétrie, la cornemuse, ou le pipeau en cours de toute,
Au boqueteau transmettent le mal, morcelé, tout doux, plus fort…
Pourtant, l’abandon de l’argile, la roche qui Dieu adore
Les flots fiancés à la terre, crieront : est-ce possible, somme toute ?
Il faudrait un chant majestueux, pareil à un rêve,
Où le frémissement soyeux des mers sous le sel se cache,
Ou les éloges chantés par les anges, lorsque se détache,
De la côté du mâle, le tronc de fumée de toute Eve.
PARALLÈLE ROMANTIQUE
Pour nos noces, choisîmes une bourgade
Glorifiée par eaux lentes et fades –
Vrai molosse sur une patte affalé
En pays germain, vieux bourg suranné.
Escaliers, coins, portails ! Dans le creux
Ô, trolls tranquilles, ô, trolls goitreux,
Sous quel déferlement de venin
Tuez-vous un jeune rêve, exemple crétin !
Des cubes tordus, débiles, enfoncés
D’immobiles cramoisis et désuets ;
Vertement cerné dans quelques passages,
Sous de larges horloges – le son des âges !
É L A N
Je suis, moi, simplement un maillon du grandiose fléchissement
Fragile, mon tout est périssable ; en compensation,
Un essaim d’existences de ma mort font irruption
Et ma vraie appellation, mon vrai nom est ondoiement.
Incurvé sous le temps, je déploie un long tissu
Recouvrant tant l’herbe délicate que le front absorbé,
Et la blonde suite des formes – soleils en train de traverser,
Au large de la vie, déverse un passé révolu.
Dans l’onde erratique, dans les eaux éternelles sous la terre,
J’emporte les vêtements de ceux qui descendent au tombeau
Et, purgé, ingambe, je cours – quel subtile soubresaut –
Au travers de salons magnifiques, ou d’humides tanières…
De la sorte, dans les Terres en taillant de vastes accès
Vers des rythmes dépassant à jamais tout entendement,
J’offre et mets dans la Très haute Balance mon riche changement
De tant d’existences et d’un nombre égal de décès.
HUMANISATION
Il me fut donné de connaître ton froid château, Pensée :
Sous ses tristes arcades, pendant longtemps je me perdis,
Désireux de nouvelles réflexions, mais aucun reflet
Dans les cristaux ternis que tu caches, ne m’a rien dit.
J’ai ultérieurement abandonné ta grandeur polaire
Et me suis acheminé vers les chaudes terres du midi
Et, sous un boqueteau d’arbres touffus, à l’heure crépusculaire,
Mon sentier, surpris par l’ombre, sa route interrompit.
Là, à l’abri de ce groupe d’arbres sauvages, sur la brune,
Tu m’apparus, sous d’inconnues pour moi physionomies –
Toi, qui n’avais persisté dans cette froide commune
Toi – musique de la forme prenant son envol, Eurythmie !
Sous les arbres épanouis, sous mes pupilles interdites,
T’es résorbée dans le son, la ligne, la tonalité –
T’es répandue dans les choses, comme dans l’éternel mythe
S’épandait le Divin dans des argiles de courte durée.
Hélas, comme toute mon âme à moi aurait désiré
Avec tout le cercle de ton onde oblongue se dilater,
Traverser les éthers et – grandi et multiplié –
Se sentir vibrer dans des mondes qu’on ne saurait compter…
Et, à la tombée du soir, regardant vers le Nord,
Au moment où la pénombre sous l’horizon se réduit
Et le soir veut renvoyer un somnolent accord,
J’ai l’impression que tout ce dôme de glace s’amollit.
Traduit du roumain par
Constantin FROSIN
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