Poeme de Lucian Blaga

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LUCIAN BLAGA

DON QUIJOTE

Vois-tu, Sancho, cette chance qui prétend
Qu’on roule sa bosse, l’opiniâtre ?
La nuit est bien chaude, un vrai âtre…
On passa un mauvais moment.

Vois-tu Sancho, au loin des signes,
Ces étoiles dans l’azur marcher –
Sur nos brisées elles courent et clignent
S’efforçant de nous haranguer ?

Que vois-tu là-haut, comme des branches –
Des moulins à vent, à ailes bien blanches ?
Ou bien des dragons qui témoignent
Des dangers qui sous peu se vengent

Ou les moulins sont simplement anges
Tombés du ciel sur des Espagne ?

ÉQUINOXE

De verts signes sous de solaires flottements
Viens voir, ma sœur, dans les champs,
Comme de noirs popes annonçant le soleil sous terre,
Les grillons s’affairent avec des flûtes
Jusque sur le seuil des tombeaux
Et, là, trépassent.
Ici-bas, au-delà des villes, nous sommes allés
Nous mettre aux aguets des calvaires menant devant chaque porte.
Allons, ma sœur, résigne-toi à ne pas soupirer.
En un seul jour – pas plus – les bourgeons et les herbes ont poussé
Aussi vite que les ongles et les cheveux des décédés.
Hé, vous, créatures qui fûtes, où êtes-vous ?
Ne marche pas, ma sœur, sur leurs lumières – ces violacées herbes du vent.

VILLE ANCIENNE

Nuit. Le déroulement des heures
S’accomplit sans la moindre consigne.
Tais-toi, les aiguilles s’arrêtent
Regrettant le tout dernier signe.

Sous les portes, les êtres du sommeil
S’insinuent, chiens rouges et soucis.
Dans les rues, mince, mais plutôt grande,
Chemine la pluie, d’échasses nantie.

Le long des murs, un vent ancien
Encore croise le deuil et le fer.
Plusieurs de nos moult braves ancêtres
Se lèvent, puis descendent aux enfers.

La tour noire persiste, bien debout,
Pourtant, compte ses ans, accablée.
Tais-toi, car le saint de pierre
De nuit, son auréole a consumé.

ÉPINES

Je me souviens que, dans mon enfance, je cueillis,
un beau jour, des roses vraiment sauvages.
Elles avaient nombre d’épines
que je n’ai point ôtées.
Je les croyais bourgeons
lesquels allaient fleurir.

Je t’avais rencontrée ensuite, toi. Ô, que d’épines
tu avais alors –
n’ai voulu te les enlever,
croyais qu’elles allaient fleurir.

Je revois tout ceci
en mémoire, et souris. Avec le sourire,
j’erre au hasard des vallées
prenant mes ébats en plein vent. Je n’étais qu’un enfant.

L’ÉTERNEL

Contrarié, on le prend en chasse et, en tâtant dans les ténèbres,
on en flaire la trace en soi-même ou au firmament,
le progrès le pressent qui imprègne les lendemains
et, dans les nuits passées, le retrouve la résignation.
Un voile impénétrable déguise l’éternel en nuit bien noire.
Personne ne le voit, personne –
pourtant n’importe qui peut le trouver,
de même que moi, je rejoins tes lèvres dans l’obscurité,
ma bien-aimée, à minuit, quand nous, on susurre
en cachette, de ces grands mots sur le sens de la vie.

Traduit du roumain par
Constantin FROSIN

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Comentarii

Bienvenue Constantin, sur ce site et dans cette section "traduceri". C'est avec un très grand plaisir que je lis vos traductions, et ici, en l'occurence un de mes poètes préférés, un très grand... de la Roumanie, et non seulement.... Bravo pour votre talent, pour avoir su transcrire dans cette belle langue française, non seulement les vers de Lucian Blaga, mais également toute sa pensée, à travers un vocabulaire très bien choisi qui traduit le charme poétique, la profondeur de cette philosophie (que nous dévouvrons à l'ouest), utilisant également parfois des tournures idiomatiques propres à la langue française. Une très belle oeuvre, mes félicitations de tout coeur.