Poèmes de Nichita Stanescu

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L'instant, soudain, prit pour nom Nichita...

NICHITA STANESCU

L’INSTANT, SOUDAIN

L’on a vite fait de mettre en doute la pierre
en tant que parole.
L’on a décrété que le papillon
n’est rien d’autre qu’un souffle,

que la pomme de terre, le maïs et la prune
sont le cri du non-être –

de même pour le porc, la chèvre et la lune,
une sorte de ruminants.

Qui plus est, l’on fut inapte à s’apercevoir
de ce que le lion qui courait
pré - existait en tant que lettre, divine aussi.

l’on ne sut déchiffrer la vaste plaine,
l’immensité des mers, la vie trop simplement unique
qu’on nous octroya…

DÉSAPPRIVOISEMENT

Trop de noir m’avait fait blanchir
Trop de soleil – me rembrunir
Trop de pétulance – me mourir
Du rêve j’allais me rétablir.
Allez, viens, toi, apporte ton tout
Assumons, les deux, forme de roue
Allez, viens, mais n’apporte ton toi
Je tiens à retrouver mon moi.
O, jaillis, jaillis, jaillis
Sur mon enfer, une oasis
Ô, demeure, demeure, demeure
Et cloue ma paume en sauveur
Sur la croix toute en chair
Quand l’homme ferme la paupière.

FINISH

J’étais en train de courir très vite, à ce point
qu’un de mes yeux est resté en arrière
et fut le seul à constater
mon amenuisement -
mué d’abord en raie, en ligne ensuite…
un noble vide parcourant le néant,
une rapide fraction de non existence
traversant la mort.

LA PHYSIOLOGIE D’UN SENTIMENT

Je pose ma parole sur ma pensée
et elle se casse en criant et en hurlant
Oh, si j’avais quelque pesanteur, tant soit peu
je pourrais m’envoler.

Je mets ma main sur le sol et il se crevasse
et les taupes s’évadent des galeries en gémissant.
Oh, si j’avais quelque pesanteur, tant soit peu
je pourrais m’envoler

Je mets mon âme dans le corps
et lui de s’allonger, de dévaler
en souffrant comme une rivière de montagne
à cause de ses poissons déments.
Oh, si j’avais quelque pesanteur, tant soit peu,
je pourrais m’envoler.

Je me mets à genoux devant toi
ainsi ton visage se fracasse
contre mes genoux en miettes réduits.
Oh, si j’avais quelque pesanteur, tant soit peu,
je pourrais m’envoler

Je touche d’une main le serpent
et celui-ci tombe en poussière
Je touche d’une main la selle du cheval
et celui-ci se pulvérise

Je ne te dis qu’une seule parole
et tu coules dessus
pareil au sang qui dégouline du couteau.
Oh, si j’avais moi quelque pesanteur, tant soit peu,
je pourrais m’envoler

Je crie, et mon cri foudroie les oiseaux
je pleure et l’escalier se cristallise
je tente de rester ;
la seconde se fracture toute noire.
Oh, si j’avais quelque pesanteur, tant soit peu,
je pourrais m’envoler.

CHANSON

Combien accablant, Dieu, est ce rayon à toi
je devrais avoir un œil de poisson
pour y voir
quand le contour de mon oiseau se mue en un A
et mon rocher en déboire

Comme c’est dur de pondre un œuf !
Quel travail pour un ovale !
Personne n’appartient à soi
de même que personne
n’appartient à toi

Oiseaux batifolent dans le ciel.
Oiseaux batifolent sur l’arbre.
Es-tu de force, ô, l’ascète,
depuis ta cachette,
à les comprendre ?

C’est du lait rouge, de glaive, que je boirais
lorsqu’ au début de l’hiver, le blizzard tend, en trombe,
son cou interminable, à tête étoilée
et pousse son corps au-delà des montagnes dans les tombes

Je le devine par un souffle tout traversé
par un rayon dépareillé, polaire.
Avec des crocs de glace, je tire désespéré
le fœtus du ventre de l’Ourse outre ses frontières.

Traduit du roumain par
Constantin FROSIN

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